Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Les carnets de Juliette
Les carnets de Juliette
Publicité
Archives
10 octobre 2005

La vérité sort de la bouche des enfants !

La_vie_devant_soiRomain Gary sous le pseudonyme d'Émile Ajar a publié en 1975  La vie devant soi, l'histoire d'un petit garçon, Momo, vivant à Paris dans un foyer d'enfants.  Sa mère, une prostituée, l'a laissé chez Madame Rosa, une vieille juive (ex-prostituée) rescapée des camps de concentration nazis.  Tout au long du livre, le regard sur la vie de cet enfant nous est révélé d'une manière exceptionnelle par l'auteur qui a su, vraisemblablement retrouvé la part d'enfant en lui-même.

En voici l'un des extraits les plus évocateurs:

"Je me suis fait un vrai malheur avec ce chien.  Je me suis mis à l'aimer comme c'est pas permis.  Les autres aussi, sauf peut-être Banania, qui s'en foutait complètement, il était déjà heureux comme ça, sans raison, j'ai encore jamais vu un Noir heureux avec raison.  Je tenais toujours le chien dans mes bras et je n'arrivais pas à lui trouver un nom qui n'avait encore personne et qui attendait.  Finalement, j'ai choisi Super mais sous toutes réserves, avec possibilité de changer si je trouvais quelque chose de plus beau.  J'avais en moi des excès accumulés et j'ai tout donné à Super.  Je sais pas ce que j'auraits fais sans lui, c'était vraiment urgent, j'aurais fini en tôle, probablement.  Quand je le promenais, je me sentais quelqu'un parce que j'étais tout ce qu'il avait au monde.  Je l'aimais tellement que je l'ai même donné.  J'avais neuf ans ou autour et on pense déjà à cet âge sauf peut-être quand on est heureux.  Il faut dire aussi sans vouloir vexer personne que chez Madame Rosa, c'était triste, même quand on a l'habitude.  Alors lorsque Super a commencé à grandir pour moi au point de vue sentimental, j'ai voulu lui faire une vie, c'est ce que j'aurais fait pour moi-même si c'était possible.  Je vous ferai remarquer que ce n'était pas n'importe qui non plus, mais un caniche.  Il y a une dame qui a dit oh le beau petit chien et qui m'a demandé s'il était à moi et à vendre.  J'étais mal fringué, j'ai une tête pas de chez nous et elle voyait  bien que c'était un chien d'une autre espèce.  Je lui  ai vendu Super pour cinq cents francs et il faisait vraiment une affaire.  J'ai demandé cinq cents francs à la bonne femme parce que je voulais être sûr qu'elle avait les moyens.  Je suis bien tombé, elle avait même une voiture avec chauffeur et elle a tout de suite mis Super dedans, au cas où j'aurais des parents qui allaient gueuler.  Alors maintenant je vais vous dire, parce que vous n'allez pas me croire. J'ai pris les cinq cents francs et je les ai foutus dans une bouche d'égout.  Après je me suis assis sur un trottoir et j'ai chialé comme un veau avec les poings dans les yeux mais j'étais heureux.  Chez Madame Rosa il y avait pas la sécurité et on ne tenait tous qu'à un fil, avec la vieille malade, sans argent et avec l'Assistance publique sur nos têtes et c'était pas une vie pour un chien. " (Extrait de La vie devant soi, d'Émile Ajar).

Publicité
Publicité
Commentaires
Publicité