Le devant de la scène

Je me revois encore, d'abord jeune enfant et puis adolescente, le coeur battant à tout rompre, l'esprit travaillant tellement fort pour demeurer concentré malgré les milliers d'idées qui me tourbillonnent dans la tête, le souffle qui s'accélère ... les premières notes de musique et puis ... la dernière pensée qui permet de libérer l'énergie pour bondir sur scène et arriver à effectuer toutes les figures requises par le chorégraphe: à la grâce de Dieu !  J'ai toujours été ainsi: avant une performance en danse ou en patinage artistique, j'étais une boule de stress et d'anxiété même si, je m'étais soigneusement préparée des semaines et des semaines avant la compétition ou le spectacle.  Je connaissais mes chorégraphies sur le bout des doigts pour ne pas dire, sur la pointe des pieds, et pourtant,  pendant les minutes qui précédaient mon entrée sur scène, le trac me broyait le cerveau et le coeur.  Heureusement, une force en moi, qui ne se manifestait qu'au tout dernier moment, me permettait de ne pas demeurer paralysée et de livrer la performance qu'on attendait.  J'ai parfois ressenti ce phénomène en dehors de la scène à l'occasion de performances académiques, par exemple.   Mais dans ma vie personnelle, ce n'est jamais le cas.  J'ai toujours l'impression que mes véritables forces créatrices restent inutilisées.  Tellement enfouies au fond de moi que souvent, j'oublie qu'elles n'existent ou en doute fortement. Je ne suis qu'une coquille vide.  Je me sens comme une doublure qui, bien qu'ayant soigneusement préparée son rôle, n'aura jamais la chance d'entendre les applaudisssements du public, de sentir la chaleur des projecteurs sur sa peau mais surtout, d'éprouver, au plus profond d'elle-même, l'exaltation de s'être dépassée et d'avoir réussi à s'incarner sur scène.