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Les carnets de Juliette
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18 décembre 2005

La peur au ventre

d_pression2Je cours et traverse une enfilade de pièces toutes séparées les unes des autres par une lourde porte de bois munie d'une petite fenêtre qui me permet de la voir fuir.  Parfois, j'ai l'impression que je vais arriver à la rattraper mais elle réussit toujours à me semer.  Il est surprenant qu'une si petite fille portée par de si courtes jambes coure si vite.   A un moment, je m'arrête.  Je réalise, en effet, que plus j'accélère pour tenter de l'atteindre et plus elle m'échappe.  Je change ma stratégie: plutôt que d'ouvrir la porte, je reste à l'extérieur de la pièce.  Je ne fais que regarder par la petite fenêtre.  Miracle, la petite fille s'est arrêtée: elle semble tendre l'oreille pour tenter de déceler si mes pas ont bien cessé de marteler le sol derrière elle.  Prenant mon courage à deux mains, je lui demande de ne pas s'enfuir et de me laisser entrer dans la pièce.  Elle ne bronche pas.  Je prend le risque de tourner doucement la poignée: elle demeure immobile. Doucement, je tire sur le battant de la porte et lui répète que j'arrêterai mon geste si elle le désire.  Partageant maintenant le même espace qu'elle, j'entends son souffle saccadé par sa course folle.  Elle demeure toujours complètement figée.  Je referme la porte derrière moi et avance tranquillement dans la pièce.  Elle, elle ne dit rien, ne bouge pas et je pense qu'elle ne respire même plus.  Je n'entend plus son souffle.  Pas un muscle de son petit corps ne semblent tressailler.  Je me doute bien qu'elle est terrorisée.  Je prend donc le parti de m'occuper de la pièce et ouvre les volets pour y laisser entrer un peu plus de lumière car il y fait terriblement sombre.  C'est alors que je m'aperçois de la raison de son immobilisme: il n'y a pas de porte devant elle contrairement à toutes les autres pièces dont elle a réussi à s'échapper.  Elle se retrouve devant un mur: voilà pourquoi elle ne bouge plus, aucun autre choix ne s'offre à elle !  Moi qui croyait que j'avais réussi à commencer à l'apprivoiser !

Je m'assois par terre à quelques mètres d'elle.  Et je reste à ses côtés, en silence, pendant plusieurs heures.  Je veux juste lui signifier que je suis là ... pour elle.  Je ne sais plus combien de temps cela a duré.  Plusieurs levés et couchés de soleil se sont succédés.  J'ai tenté de lui communiqué ma chaleur et ma douceur par ma seule présence, par mes seules pensées: sans parole, sans le moindre geste.  Je sais que ce tout petit être n'est que peur.  Et pour vaincre la peur,  la force n'est d'aucune utilité.  Seule la patience permet l'apprivoisement.

A un moment, elle s'est retournée, s'est adossée au mur et s'est laissée glissée au sol.  Assise par terre, elle avait le regard fixe et ne me regardait pas.   Elle était effectivement tétanisée.  J'ai alors pris le risque de me glisser jusqu'à elle et de m'asssoir à ses côtés, tout près, mais sans la toucher.  J'ai alors été surpris de sentir le froid qui se dégageait de son fragile petit corps.  J'ai alors eu l'impulsion, qui aurait pu s'avérer malheureuse, de poser ma main sur la sienne.  Ma chaleur a semblé dégeler un à un ses doigts puis son bras jusqu'à son épaule et sa tête.  Deux larmes se sont alors mises à rouler sur ses joues.  Elle m'a avoué qu'elle ne voulait pas de mon chaleureux contact si c'était pour le perdre dans quelques minutes, heures ou jours.  J'ai tenté de la convaincre du contraire par mes paroles, en vain.  On ne peut pas rassurer la peur.

Je lui ai pourtant promis de revenir à heures fixes toutes les semaines.  Pour lui permettre de supporter mon attente, je lui ai laissé un petit chiot, tout blond et tout chaud.  Celui-ci s'est lové au creux de ses bras et  a léché son visage à plusieurs reprises.  Je pense que ce contact lui a fait du bien car elle s'est mise à sourire.  Lorsque j'ai quitté sa petite pièce et son temple, je me suis retourné(e) pour l'apercevoir à la fenêtre.  Elle tenait toujours le petit chiot dans ses bras telle une bouée de sauvetage.  Malgré son courageux petit sourire, je sais qu'elle doute de moi et de mon retour . . .

A suivre ...

       

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